UFC-Que Choisir Alès

VIE COURANTE, VOTRE RETRAITE

PENSIONS DE RETRAITE DES  » POLYPENSIONNES »

Les inégalités de la liquidation unique

Publié le : 12/10/2016

Prévue depuis janvier 2014, date de la dernière réforme des retraites, la liquidation unique des régimes alignés ou « Lura » va enfin voir le jour puisque les décrets d’application viennent de paraître. Cette nouvelle procédure qui devait entrer en vigueur le 1er janvier 2017 ne sera effective que le 1er juillet prochain, à condition que cette date ne soit pas repoussée une nouvelle fois. Décryptage.

Qui est concerné ?

La Lura concerne les personnes nées en 1953 ou après, qui ont cotisé successivement ou conjointement à l’un des trois régimes de retraite de base suivants : CNAV (ou régime général) si elles ont été salariées du secteur privé, RSI pour les chefs d’entreprise, commerçants et artisans et MSA pour les salariés du secteur agricole. Pour ces personnes, que l’on désigne sous le terme de « polypensionnés », il ne sera plus question de percevoir deux ou trois pensions de retraite de base différentes comme c’est le cas aujourd’hui, mais une seule. Il faut noter que le dispositif de la Lura ne concerne pas les retraites complémentaires de ces trois régimes. Il en va de même pour les retraites des autres régimes de base et complémentaires (professionnels libéraux, fonctionnaires, exploitants agricoles, etc.).

Quels changements ?

Percevoir une pension unique n’est à l’évidence qu’un changement mineur qui n’appelle à lui seul que peu de commentaires… sauf que derrière cette simplification « qui va prendre en compte la carrière de chacun dans sa diversité », comme le souligne le ministère des Affaires sociales, il y a, et c’est important, une modification de certains paramètres de calcul de la pension de base qui ne va pas aller forcément dans le bon sens pour tout le monde !

Pour bien comprendre, il faut rappeler que le montant de la pension de base dépend, entre autres, du salaire annuel moyen (SAM). Pour le déterminer chez les polypensionnés, on retient les 25 meilleures années de la carrière non pas dans un seul régime (comme c’est le cas pour les monopensionnés), mais au prorata de la durée d’affiliation dans chaque régime.

Supposons Thierry, né en 1955, qui a d’abord été affilié 25 ans à la Cnav où il a validé 108 trimestres, puis 18 ans au RSI où il a validé 73 trimestres. Pour savoir combien d’années il est nécessaire de retenir respectivement dans chaque régime, il faut d’abord effectuer les opérations suivantes :

  • 25 x 108/181 (181 = somme des deux durées d’assurance uniquement retenues pour la proratisation) pour le régime général = 14,9 ans, arrondis à 15 ans.
  • 25 x 73/181 pour le régime des indépendants = 10 ans.

À partir de là, on va donc aller chercher la moyenne de ses 15 meilleures années de salaire (revalorisées) dans le régime général et celle de ses 10 meilleures années de revenus au RSI. Selon les calculs de Neovia Expertise Retraite, on trouve 26 465 € dans le premier cas, 33 498 € dans le second cas. À noter qu’à partir du 1er juillet 2017, la moyenne des 25 meilleures années de salaire et/ou revenus de toute la carrière utilisée sera de 29 903 €.

Ainsi, si Thierry liquide ses retraites à 62 ans, avant le 1er juillet 2017, il percevra 789 € de retraite de base du régime général (26 465 € x 50 % x 108/166) + 675 € de retraite de base du RSI (33 498 € x 50 % x 73/166), majorations familiales de 10 % incluses dans les deux cas, soit un total de 1 464 € bruts par mois. Mais si sa demande intervient après le 1er juillet 2017, il ne percevra qu’un total de 1 371 € bruts par mois (29 903 € x 50 % x 166/166), majorations incluses, soit une perte de 93 € par mois.

Pourquoi certaines personnes vont y perdre ?

Cette différence de pension est loin d’être anodine, surtout si on l’extrapole sur le long terme ! Elle s’explique de façon relativement simple : aujourd’hui, si l’on reprend l’exemple de Thierry, 108 trimestres de retraite lui sont payés par le régime général et 73 par le RSI tandis que demain, 166 trimestres seulement (durée d’assurance pour le taux plein et pour sa génération) lui seront payés. « Dès lors que la durée totale d’assurance applicable à chaque génération sera atteinte, il va y avoir écrêtement des trimestres supplémentaires, explique Frédéric Barrel, directeur technique chez Neovia Expertise Retraite. Le nouveau mode de calcul sera par exemple pénalisant pour les personnes qui ont une double activité, salarié et micro-entrepreneur, et qui cotisent donc à deux régimes alignés en même temps ».

Qui va y gagner ?

À l’opposé, les personnes qui ont eu par exemple une activité salariée au début de leur carrière, avec de faibles salaires, et qui se mettent ensuite à leur compte, peuvent être gagnantes dès lors que la double activité n’a pas duré longtemps puisque dans ce cas, les 25 meilleures années pour calculer son SAM seront cette fois piochées dans la seconde partie de sa carrière. « Ce constat doit toutefois être modulé car lorsque l’on analyse deux carrières similaires, on n’aboutit pas forcément au même résultat », fait remarquer Frédéric Barrel.

Comment faire ?

Dans ce contexte, les personnes qui peuvent prendre leur retraite à taux plein avant le 1er juillet prochain, que ce soit au titre d’une carrière classique ou dès 60 ans au titre d’une carrière longue par exemple (si elles sont nées au 1er semestre 1955) ont tout intérêt à faire poser des chiffres sur leurs futures pensions de retraite. « Dès janvier 2017, nos outils informatiques seront en mesure d’effectuer des simulations », assure Philippe Bainville, porte-parole de la Cnav. C’est une bonne nouvelle et les personnes concernées n’auront donc aucune minute à perdre !