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KNACKI BALL: UN JUGEMENT QUI NE MÂCHE PAS SES MOTS

 Herta est condamnée pour ne pas avoir assez alerté les consommateurs de ces saucisses sur le risque de suffocation des jeunes enfants.

Le 29 mai 2012, la vie de la famille Tran bascule : la petite dernière, Mayline, s’étouffe en mangeant une saucisse Knacki Ball de la marque Herta. Malgré l’intervention de son père, puis des pompiers, la fillette est victime de quatre arrêts cardiaques avant de tomber dans le coma. Alors que les médecins envisagent un arrêt des soins, elle s’en sort miraculeusement au bout de quelques semaines.

Le 10 mai dernier, le tribunal de grande instance de Paris a jugé que Herta était entièrement responsable de cet accident et l’a condamnée à verser plus de 150 000 € à la famille en réparation du préjudice subi.

Un avertissement insuffisant

« Ne pas donner ni laisser à la portée d’enfants de moins de 4 ans ; ils risqueraient d’avaler sans mâcher » : c’est l’avertissement qu’Herta affiche sur les boîtes de ses mini-saucisses de Strasbourg. Mais pour le juge, cette mention n’est pas suffisante car elle n’alerte pas le consommateur sur le risque majeur pour les jeunes enfants, à savoir la suffocation ou l’étouffement. La mise en garde doit être proportionnée, estime le juge.

« Le tribunal a aussi pointé la forme ludique du produit qu’on associe plus à une friandise qu’à de la charcuterie et qui le rend très attractif pour les enfants », explique Emmanuel Tran.

Contacté, le président d’Herta, Arnaud de Belloy, indique que la décision de faire appel ou pas de ce jugement n’a pas encore été prise. Il explique que le message d’avertissement a été apposé dès 2008 sur les boîtes de Knacki Ball. La lisibilité du message et du pictogramme d’un bébé barré sur le pot a même été renforcée par l’utilisation d’un fond noir :

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Chez Monoprix, par exemple, qui vend également des mini-saucisses en forme de balles, le message d’avertissement est affiché sur fond jaune, ce qui n’en facilite pas la lecture :

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Au moins trois accidents mortels

L’accident de Mayline n’est pas un cas isolé. Quelques semaines après le drame, son père découvre qu’une petite fille est décédée à Annecy dans les mêmes circonstances, malgré la présence de sa maman infirmière et de son papa pompier. En août 2014, c’est un petit garçon de 3 ans qui perd la vie en avalant un petit morceau d’une saucisse Knacki classique, pourtant coupée en petits morceaux. « Personne n’a réussi à sauver Lilian alors que nous étions entourés d’un médecin et d’une infirmière », raconte son père à nos confrères d’Ouest France.

Dans un avis de 2005, la Commission de la sécurité des consommateurs (CSC) cite également le décès en 1998 en région parisienne d’un bébé de 13 mois à qui sa sœur de 3 ans avait donné une petite saucisse apéritive de même type. « Les pompiers n’ont pu ni ventiler ni pousser le corps étranger », explique la CSC. Un morceau de saucisse était coincé dans le larynx.

Une texture qui adhère plus ?

Pour Emmanuel Tran, ces accidents montrent que la texture de ce type de saucisse pose problème, puisque les tentatives d’expulsion – notamment via la manœuvre de Heimlich – ont échoué à chaque fois malgré la présence de professionnels de santé : « Il s’agit d’une texture rigide à l’extérieur et molle à l’intérieur, qui glisse mais colle en même temps. »

D’ailleurs, le tribunal estime également qu’« on ne peut pas exclure que la consistance molle de la saucisse permette une adhésion supplémentaire à la paroi et un enfoncement légèrement profond ». Arnaud de Belloy ne valide pas cette thèse, et souligne que, comme tout autre petit produit de type cacahuètes, les mini-saucisses ne doivent pas être proposées à des enfants de moins de 4 ans.

Couper dans le sens de la longueur

Quant aux saucisses Herta classiques, suite à l’accident de Lilian en août 2014, l’industriel appose sur l’emballage depuis août 2015 une nouvelle mention : « Pour les enfants de moins de 4 ans, couper la saucisse dans le sens de la longueur puis en tout petits morceaux afin de prévenir les risques d’étouffement. »

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Le président d’Herta précise : « Ce sont les parents de l’enfant décédé qui nous ont fait part de cette pratique aux États-Unis et au Canada. »

Le message devrait petit à petit apparaître sur les produits de toutes les marques, comme la Fédération des industriels charcutiers et traiteurs (FICT) s’est engagée à le faire. La marque Stoeffler le fait déjà figurer sur le paquet de La Francfort, mais en minuscule, tout en affichant en gros sur le devant du paquet la mention « particulièrement appréciée des enfants » !

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Source: 60 millions de consommateurs