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ASSURANCES

AUTO, HABITATION: LE SCANDALE DES RADIES DES ASSURANCES

 

Accrochage, dégât des eaux… Plusieurs petits sinistres suffisent à être mis dehors par l’assureur. Même lorsque l’assuré est la victime. Injuste !

 

4 croquis de maisons - sinistres

 

C’est la double peine : après quelques sinistres sans gravité, une lettre de résiliation arrive. Un accrochage, deux bris de glace, et vous voilà remercié par l’assureur auto. En habitation, même chose : deux petits dégâts des eaux et un cambriolage peuvent entraîner la radiation. C’est injuste.

En assurance automobile, 60 Millions reçoit constamment le témoignage de conducteurs en colère. « Je suis pourtant un assuré idéal », estime par exemple Patrick, quinze ans de permis, sans un retrait de point ni le moindre retard de paiement. « J’ai eu le malheur qu’un automobiliste me percute à faible vitesse. J’ai écopé d’une hausse de 13 % en janvier. Et puis, huit mois après, rebelote sur un parking : cette fois, c’était l’éviction ! »

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Une pratique injuste, mais légale

Vous coûtez plus cher que vous ne rapportez ? Dehors, même si vous n’êtes responsable de rien ! Une pratique contraire à tout principe de mutualisation des risques. Mais qu’importe : les assureurs ont le droit de résilier à échéance après une multiplicité de sinistres.

Sur les 5,17 millions de résiliations enregistrées en automobile en 2015, plus d’un quart est le fait des assureurs : 4,7 % pour non-paiement de la prime et 23,4 % à cause de la sinistralité. Ce qui fait tout de même près de 1,2 million d’automobilistes invités à chercher un autre assureur auto !

Franchises hallucinantes

Autre conséquence : une inscription immédiate au fichier de l’Association pour la gestion des informations sur les risques en assurance (Agira). « Les compagnies nous refusent ou nous proposent des contrats à 1 000 € par an, avec des franchises hallucinantes. Juste à cause de ce fichage », témoigne Céline, inscrite avec son mari au fichier de l’Agira par leur assureur, la GMF.

GMF est d’ailleurs un assureur qui revient souvent dans les plaintes. La Garantie mutuelle des fonctionnaires semble avoir la résiliation très facile… « Le nombre de résiliés constaté pour cause de sinistralité excessive est sans doute d’abord une conséquence de la taille de nos portefeuilles », répond-on au siège. La GMF estime que le pourcentage des exclus, deux ou trois contrats pour mille, représente « un niveau très bas sur le marché ». Mais elle assume : « L’expérience montre que, statistiquement, la sinistralité passée est prédictive de la sinistralité future, avec ou sans responsabilité. »

Les nouvelles pratiques de « nettoyage de portefeuille » sont devenues plus subtiles. Le fils d’Annette a été menacé de radiation après trois sinistres dont il n’était pas responsable. On lui a proposé un marché. « Pour garder son assurance auto, on lui a imposé d’autres contrats dont il n’a évidemment nul besoin. »

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Restez, mais payez plus cher

Deuxième technique : la résiliation, suivie d’une offre plus chère et proposée par une compagnie du même groupe. Clarence est assurée à la GMF depuis trente-cinq ans, et son fils depuis deux ans. « Il a eu deux accrochages (responsables) qui ont entraîné un malus, et un accident non responsable dernièrement. Or, depuis, la GMF m’a contactée pour m’imposer l’assurance Joker, du même groupe. »

Un témoignage corroboré par d’autres. « Ce n’est jamais une solution imposée, réplique-t-on au siège de Covéa, qui détient à la fois la GMF et Joker Assur. Et cela permet aux assurés concernés d’accéder à une solution qu’ils pourraient avoir du mal à trouver eux-mêmes. »

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La loi Hamon tournée en ridicule

Sur quels critères les assureurs décident-ils de résilier ? Trois sont pour eux rédhibitoires : l’accident avec circonstances aggravantes (alcoolémie, stupéfiants, délit de fuite), le non-paiement de la cotisation et les multiples sinistres responsables. Mais lorsque les petits soucis s’accumulent, ça sent également le roussi pour l’assuré, même s’il n’y est pour rien. Il paiera plus cher, mais il peut aussi subir l’éjection directe. Dans trop de situations, certains assureurs choisissent cette décision radicale.

Conscients de cette dérive, le gouvernement et le Parlement ont imposé, via la loi Hamon, adoptée en 2014, l’obligation de fournir un motif dans la lettre de résiliation (article L. 113-12-1 du code des assurances). Cette « contrainte » est tournée en ridicule par certains assureurs. On a ainsi pu lire : « La résiliation à l’échéance est motivée par le fait que nous ne souhaitons plus assurer ce qui était couvert par votre contrat. »

Une solution a minima pour les automobilistes

Il est vrai que l’automobiliste pourra toujours, au pire, saisir le Bureau central de tarification (BCT) pour avoir une couverture en responsabilité civile. C’est-à-dire l’indemnisation des dommages qu’il pourrait causer. Mais c’est tout et c’est bien peu.

En assurance habitation, on constate exactement le même phénomène : des résiliations infligées à des assurés victimes de petits sinistres dont ils ne sont pas responsables – des dégâts des eaux, le plus souvent. Sauf que, dans cette situation, l’assuré ne peut pas (encore) solliciter le BCT pour être couvert. Ce qui peut être très préjudiciable lorsqu’on est locataire.

Pas d’assurance, pas de location

C’est le cas d’Anne-Lise. À chaque orage, l’eau ruisselle le long des murs. Après plusieurs déclarations, le couperet tombe : elle est exclue. « Le courtier chez qui je me suis rendue m’a expliqué que j’étais fichée comme une personne à risques. Il m’a fait un devis plus cher, avec une couverture moins bonne. Je suis une paria ! »

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Dans le pire des cas, le locataire peut se retrouver sans offre d’assurance, donc dans l’incapacité de fournir une attestation au propriétaire qui peut lui demandera, dès lors, de quitter les lieux. « Ma mère, 85 ans et veuve depuis neuf mois, a vu son assurance habitation vieille de cinquante ans résiliée parce qu’elle a eu trois sinistres en cinq ans (grêle et orage) », s’insurge Pierre, qui souhaiterait une loi interdisant ce genre de pratique à l’encontre de personnes âgées.

Une convention aux effets pervers

60 Millions a déjà alerté plusieurs fois sur ces situations, effets pervers d’une convention qui régit la profession. Appelée Convention d’indemnisation directe et de renonciation à recours (Cidre), elle prévoit que l’assureur du sinistré indemnise directement son client si les dommages matériels ne dépassent pas 1 600 €.

L’assureur ne se retourne pas contre l’auteur du sinistre, et ne recherche donc pas les causes du problème. Si bien que les travaux nécessaires peuvent ne jamais être entrepris, le responsable des faits n’est parfois même pas averti, et l’incident peut survenir régulièrement. Résultat : l’assureur, mécontent de mettre la main à la poche, éjecte son client !

La Maaf est souvent pointée du doigt

Conscients du problème, mutuelles et assureurs ont pris l’engagement, en mars 2015, de ne plus résilier les contrats des victimes de plusieurs dégâts des eaux. Malheureusement, force est de constater que des cas parviennent encore à 60 Millions. Un assureur, en particulier, est souvent pointé dans les courriers : la Maaf. La mutuelle affirme respecter strictement le mot d’ordre de la profession sur les multiples dégâts des eaux. « Un assuré résilié suite à des sinistres en multirisques habitation a forcément subi des sinistres d’autres natures », affirme-t-on au siège. Peut-être, mais est-ce forcément une raison de l’exclure ? L’assuré reste la victime d’un sinistre dont il n’est pas l’auteur (dégâts des eaux et autres), puis de l’exclusion…

Là encore, les pouvoirs publics ont tenté de venir à la rescousse des exclus. Depuis l’adoption de la loi Alur du 24 mars 2014, le BCT peut en principe désigner d’office un assureur contraint de couvrir la responsabilité civile pour l’assurance habitation. Les copropriétaires, les syndicats de copropriétaires et, surtout, les locataires sont concernés. Mais le dispositif tarde à entrer en vigueur. L’instance qui décidera serait en cours de composition, nous indique-t-on.

La situation délicate des multisinistrés

Depuis, le gouvernement a choisi de faire confiance aux assureurs. « La diversité et la souplesse des formules proposées actuellement sur le marché de l’assurance des particuliers, multirisques habitation et automobile, devraient permettre, malgré tout, à chaque candidat à l’assurance de trouver des garanties adaptées à ses besoins et à sa situation financière, même s’il a fait l’objet d’une résiliation par son assureur », affirmait récemment la secrétaire d’État à la consommation Martine Pinville, à un député qui l’interrogeait sur le sujet.

Constat ou vœu pieu ? En tout cas, de nombreux « multisinistrés » ne trouvent aujourd’hui pas un tarif accessible d’assurance pour leur logement et leur véhicule, malgré les vertus supposées du marché.

Viré de votre assurance auto ! Que faire ?

Automobilistes, que faire si vous recevez une lettre de résiliation ? La plupart des assureurs, ou leurs filiales, proposent aux résiliés des contrats à des tarifs souvent élevés. Le recours à un comparateur en ligne peut permettre de faire le tri entre ces offres.

Dès lors que vous essuyez ne serait-ce qu’un refus d’une compagnie, il est possible de saisir le Bureau central de tarification (BCT). Il fixera la cotisation en fonction du tarif de référence de l’assureur que vous aurez choisi, et le contraindra à vous couvrir pour un an au seul titre de la garantie obligatoire, c’est-à-dire la responsabilité civile (RC).

Pas de couverture en cas de vol, incendie, bris de glace, dommages subis par le conducteur… et des démarches longues et fastidieuses pour une si faible couverture expliquent que seuls 320 assurés ont recouru au BCT en 2015.

Dans tous les cas, si un particulier s’estime résilié injustement, il peut, en dernier recours, saisir la Médiation de l’assurance.

Source: 60 millions