MEDICAMENTS
L’opacité des gammes ombrelles
Publié le : 16/11/2016
Même nom, même apparence mais des compositions en substances actives différentes… Les gammes ombrelles, très présentes sur le marché de l’automédication, permettent aux laboratoires de capitaliser sur le succès d’un médicament pour en vendre d’autres. Une pratique non sans risque pour le patient que l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) condamne hélas sans grande fermeté.
C’est en capitalisant sur la notoriété de leurs produits phares que certains laboratoires ont lancé il y a une dizaine d’années des gammes dites « ombrelles ». Cette technique commerciale, qui consiste à décliner sous un même nom de marque un ensemble de produits hétérogènes, est utilisée de longue date dans l’alimentaire. Elle permet de faire bénéficier les produits en lancement de l’aura des produits historiques. Dans le cas des médicaments en vente libre, il s’agit ainsi de doter des médicaments aux compositions bien distinctes de noms commerciaux ayant en commun un terme très évocateur pour le consommateur (voir encadré). Parmi les exemples les plus célèbres, on peut citer la gamme Humex du laboratoire Urgo qui, à l’origine, traitait les symptômes du rhume (Humex rhume). On trouve aujourd’hui sous ce nom une vingtaine de produits indiqués dans l’allergie, les maux de gorge, la toux sèche ou encore la toux grasse (Humex mal de gorge, Humex adultes expectorant…). Des produits dont les emballages font la part belle au patronyme commun et relèguent au second plan la composition en principes actifs, pourtant très variable selon les produits ! Autre exemple plus étonnant encore, la gamme « Doli’s » de Sanofi s’appuie sur la notoriété du Doliprane, qui n’est autre que du paracétamol, pour vendre des médicaments qui n’en contiennent pas, comme Doli mal de gorge ou Doliallergie.
Enfin, certains concepteurs de gammes ombrelles – à l’instar du laboratoire Upsa – n’hésitent pas à commercialiser sous le même nom des médicaments comme Fervex état grippal et des dispositifs médicaux (Fervex décongestionnant, Fervex maux de gorge adulte et Fervex maux de gorge enfant). Ces derniers bénéficient d’une législation et de contrôles bien moins contraignants que les médicaments, les laboratoires n’ayant par exemple pas l’obligation de fournir d’essais cliniques pour les commercialiser. En créant la confusion, ces gammes ombrelles exposent les patients à des effets indésirables et des interactions médicamenteuses.
L’ANSM condamne timidement les dérives
En charge des recommandations à l’usage des laboratoires au sujet des noms de médicaments, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) entend mettre de l’ordre dans les dénominations commerciales « fourre-tout ». Elle propose actuellement une consultation publique sur le sujet à laquelle chacun peut contribuer jusqu’à la fin novembre sur
L’UFC-Que Choisir se félicite de la volonté de l’ANSM de diffuser ces recommandations. Toutefois, dans leur forme actuelle, celles-ci n’apparaissent pas suffisantes pour combattre fermement les dérives concernant les marques ombrelles. Il est ainsi regrettable que l’ANSM les tolère « sous certaines conditions » quand une condamnation pure et simple de cette pratique serait souhaitable.
Il en va de même pour les médicaments aromatisés (comme l’Efferalgan cappucino et vanille-fraise) qui incitent à la banalisation et à la surconsommation de médicaments. Là encore, les recommandations de l’ANSM tolèrent la mention de l’arôme dans les noms commerciaux invoquant un intérêt possible « en vue d’une meilleure observance du traitement ». Prêtant ainsi des intentions fort louables à l’industrie pharmaceutique quand l’objectif principal de ces « dénominations aromatisées » semble avant tout marketing.
DCI et nom commercial : quelle différence ?
Loin d’être anodine, la dénomination des médicaments est encadrée par les réglementations européennes et françaises. Selon ces législations :
- La dénomination commune internationale (DCI) désigne le nom d’un médicament en fonction de la ou des substance(s) active(s) – la ou les molécule(s) – contenue(s) dans le médicament. Cette dénomination internationale est très utile par exemple pour éviter de se tromper en prenant plusieurs fois le même médicament car beaucoup de médicaments contiennent les mêmes substances actives.
- Pour le nom commercial d’un médicament, deux scénarios sont possibles. Dans le premier cas, il peut s’agir d’une dénomination commune assortie d’une marque. Quelques médicaments princeps (ex : Aspirine du Rhône dont la DCI est aspirine) et tous les médicaments génériques répondent à cette définition. Dans le second cas, le plus fréquent, il s’agit d’un nom dit « de fantaisie » qui ne peut se confondre avec la dénomination commune (ex : Alka Seltzer dont la DCI est également aspirine). Un nom de fantaisie qui ne doit pas se confondre avec la dénomination commune, stipule la réglementation.