LIVRAISON A DOMICILE : POURQUOI TANT DE PROBLEMES ????
Colis abîmés, retardés, disparus… Pas un jour sans que des clients ne se plaignent de Chronopost, Colissimo, UPS et autres livreurs. Voici pourquoi
Passera ? Passera pas ? À l’approche de Noël, nombre d’entre vous guettent, anxieux, l’arrivée du livreur de colis. C’est vrai que ce dernier se fait trop souvent désirer, comme le montrent les témoignages reçus presque chaque jour dans le forum de 60 Millions.
Fabrice a rencontré des problèmes avec ses quatre dernières livraisons par Chronopost : « À chaque fois, on m’informe d’un horaire de passage, à chaque fois, personne ne passe et je reçois un SMS : “livreur passé, personne absente, veuillez nous contacter pour établir un nouveau rendez-vous”. » Si bien qu’il a fini par se poster devant chez lui à l’heure dite : « Personne n’est passé. Enfin, personne qui ressemble à un livreur Chronopost. »
Deux ou trois heures sous la pluie
Dans d’autres cas, le livreur passe mais sans sonner, en déposant (ou pas) un avis de passage dans la boîte aux lettres, ou – plus gênant – en laissant le colis n’importe où, voire à n’importe qui.
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À trois reprises, Catherine a ainsi retrouvé son colis jeté par-dessus le portail de son jardin, dont une fois un jour de tempête : « Le colis a dû rester deux ou trois heures sous la pluie, jusqu’à ce que voulant sortir ma voiture, je trouve le portail bloqué… par le colis coincé dans le rail ! » Carton détrempé et déchiré, une des poêles Tefal écaillée…
Et elle n’est pas la seule. Les réseaux sociaux regorgent d’histoires similaires :
Bourrés dans la boîte aux lettres
Certains bourrent des cartons trop grands dans la boîte aux lettres, quitte à la bloquer ou à la casser. Plus cocasse, l’avis de passage reçu par courrier… ou même la lettre, déposée par le facteur, qui explique au destinataire que l’autre facteur qui distribue les colis n’a pas trouvé l’adresse !
Les plaintes concernent surtout Chronopost ou Colissimo, les leaders (de très loin) du marché. Mais aucun transporteur, que ce soit Mondial Relay, Colis privé, GLS, TNT, UPS ou encore DHL, n’est épargné par la grogne des consommateurs. Certes, sur les 450 millions de colis expédiés chaque année, la plupart arrivent à destination ! Mais une certaine proportion – dont les professionnels se gardent bien de donner le chiffre – prend des chemins de traverse et n’arrive parfois jamais à bon port.
40 millions de colis passés au crible
Depuis mars 2015, les professionnels du e-commerce, réunis au sein de la Fevad, décryptent les données anonymisées de plus de 40 millions de colis distribués par une vingtaine de transporteurs. Grâce à cet observatoire, on apprend, par exemple, que 21 % des colis ne sont pas remis à la première présentation à domicile, ou que les délais de livraison sont plus longs dans les départements du Sud-Ouest que dans ceux de la région parisienne ou du Nord.
Des clients dissuadés d’acheter ?
Alors que de plus en plus de consommateurs font leurs courses de Noël en ligne, ces incidents pourraient bien en dissuader une partie d’entre eux. Tandis que GLS rejette la faute de la plupart de ces échecs de livraison sur le destinataire ou le vendeur qui ne fourniraient pas les renseignements suffisants au transporteur, la porte-parole du groupe La Poste, Stéphanie Fraisse, relativise : Comme dans toute entreprise, il existe des personnes qui ne font pas bien leur travail. »
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TNT, lui, ne nie pas les difficultés : « Même si ces problèmes ne concernent qu’une petite minorité de colis, cela peut représenter des milliers de litiges quand on distribue des millions de colis chaque mois », constate Antoine Caby, directeur marketing et expérience clients chez TNT.
Le maillon faible du dernier kilomètre
Les difficultés se concentrent autour de la dernière portion du voyage, coûteuse et complexe, que les professionnels appellent le « dernier kilomètre ». Véritable maillon faible du e-commerce, cette portion se situe entre l’arrivée au centre de tri local et la remise au client.
Transporteurs comme vendeurs assurent qu’ils peuvent identifier les anomalies jusqu’en bout de chaîne grâce à des outils de suivi du colis (scanné plusieurs fois tout au long de son parcours) et des indicateurs de qualité. Mais ce n’est pas si simple, car ce dernier kilomètre est pris en charge, dans la très grande majorité des cas, par des sous-traitants – souvent de petites structures. C’est le cas de 100 % des colis Mondial Relay, 90 % des Chronopost et 15 % des Colissimo.
« On roulait comme des fous »
« Les conditions de travail sont intenables », raconte Jean, un chauffeur qui a travaillé pour un sous-traitant de Chronopost. « J’avais parfois plus de 100 colis à livrer avant 13 heures. Je faisais entre 17 et 20 clients à l’heure en comptant le temps de transport, détaille-t-il. On roulait comme des fous sans respecter le code de la route, parfois dans des camions en mauvais état. Déposer un avis de passage est une perte de temps énorme. Le sous-traitant n’est pas payé s’il livre après l’horaire convenu. Pour être dans les temps, le patron nous demandait, par exemple, de scanner le colis avant la remise au client. »
Horaires à rallonge, salaire minimum, pressions… Un marathon auquel peu résistent. En quatre ans, Jean a vu l’ensemble des chauffeurs Chronopost de ce sous-traitant partir. « Le turn-over est très important, confirme un délégué syndical CFDT de Chronopost, ce qui implique de reformer sans cesse des chauffeurs. Or, il faut au minimum trois semaines pour qu’un livreur maîtrise sa tournée et les process. »
70 heures payées 35
Le groupe La Poste affirme de son côté ne travailler qu’avec des entreprises qui ont l’envergure pour assurer les tournées. « Tous les candidats à nos appels d’offres doivent apporter un certain nombre de garanties, assure Stéphanie Fraisse. Et respecter également une charte. » Or, cette charte dans laquelle le sous-traitant s’engage à respecter les règles du droit social est loin d’être pleinement appliquée, selon la CFDT. « Certains chauffeurs font jusqu’à 70 heures par semaine. Tout ça pour le Smic, sans heure supplémentaire payée. »
On comprend que la motivation ne soit guère au rendez-vous. Les transporteurs affirment pénaliser les sous-traitants avec lesquels ils rencontrent des difficultés. TNT précise ainsi qu’il peut lui arriver de rompre un contrat. Mais la CFDT estime que le donneur d’ordre n’a pas les moyens juridiques d’intervenir sur les conditions que le sous-traitant impose à ses salariés.
La livraison gratuite a un coût
Les livreurs – et avec eux, les consommateurs qui se désespèrent de voir arriver leurs colis – paient la facture de la concurrence entre les sites. « L’un des problèmes provient de l’agressivité commerciale de certaines enseignes qui proposent la livraison gratuite. Or, le transport a un coût », considère Olivier Theulle, président de la commission “transport et logistique” à la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (Fevad), et par ailleurs directeur des opérations à la Fnac.
Le sous-traitant qui employait Jean, notre livreur, était rémunéré par Chronopost 2,40 € pour chaque adresse livrée, un tarif renégocié tous les deux ans avec cette filiale de La Poste et qui se situait dans la fourchette basse des tarifs du marché dans la zone géographique concernée.
Jacques-Antoine Granjon, PDG et fondateur du Groupe Vente-privee, se fait plus explicite : « Amazon, en s’engageant à livrer gratuitement et de plus en plus vite, met une pression terrible sur le secteur, et cela rejaillit sur tous les acteurs du e-commerce, qui doivent se mettre au diapason. Chez Vente-privee, la livraison est payante et affichée en sus du prix, nous sommes transparents. Car le transport n’est jamais gratuit. »
Une télécommande au prix d’un iPhone
Toujours plus vite, toujours moins cher… Le système atteindrait-il ses limites ? La plupart des acteurs affirment que le marché du « dernier kilomètre » se modernise et s’améliore grâce aux données et outils de traçabilité. En attendant, les litiges continuent.
Ainsi, Églantine a découvert dans son colis Chronopost à la place de son nouvel iPhone 7… une télécommande de décodeur télé ! Sur les conseils de l’expéditeur, Orange, elle est allée déposer plainte pour vol. Au commissariat, une autre dame avait subi exactement la même mésaventure. Une enquête est en cours.
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Lutter contre la casse et le vol
La casse fait partie des plaies du transporteur. Les grands opérateurs expliquent travailler avec les vendeurs en ligne pour que les emballages soient plus résistants. « Mais il existe encore des sites marchands qui envoient, par exemple, des bouteilles dans de simples cartons », déplore Antoine Pottier, directeur général de Mondial Relay.
Chez TNT, des mesures ont été prises pour diminuer le taux de dommages. Outre une sensibilisation des salariés, la société a mis en place des « hôpitaux à colis » dans sa centaine de centres de tri : des films et adhésifs supplémentaires sont appliqués sur les emballages qui présentent de petits dommages afin d’éviter que ces derniers ne s’aggravent. Elle aurait constaté une baisse de 30 % du taux de colis endommagés.
Autre danger qui guette le colis : le vol. Mondial Relay explique avoir mis en place un système de vidéotracking dans ses centres de tri. Une caméra photographie le colis tous les mètres sur les bandes de convoyage afin de pouvoir tracer ce dernier de son arrivée sur le site jusqu’à sa sortie en camion. Ensuite ? Contrôler le colis jusque chez le client relève de la mission impossible.
Source: 60 millions